Rencontre pour discuter des besoins en automatisation et en robotique à Richmond en Estrie
- Feb. 25, 2021, 10:43 a.m.
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Par Julien Duchesne ing. jr. & Denis Marchand GPA
2021-02-24
Le 24 février s’est tenue une rencontre avec quatre entreprises manufacturières de Richmond, l’Université de Sherbrooke (GPA et CoRoM), le directeur du comité de promotion industrielle de Richmond (CPIR) et un membre de la commission scolaire des Hauts-Cantons. Initié par le CPIR et le CoRoM, le but de la rencontre était de mieux comprendre les besoins des entreprises manufacturières de la région en matière de robotisation et de main d’œuvre. Une liste de questions avait préalablement été envoyée pour orienter les discussions.
À qui avions-nous affaire?
Les quatre entreprises étaient à des niveaux très différents en termes de robotisation. Certains n’avaient aucune expertise à l’interne et d’autres ont développé, au fil du temps, leur propre expertise. Il est important de noter qu’ils avaient tout un «mindset» d’amélioration continue. Concrètement, deux entreprises avaient un taux d’automatisation de leurs opérations estimées entre 50 et 60% (avec des objectifs clairs pour augmenter ce chiffre) et les deux autres étaient automatisées de 0 à 10% (avec un certain désir d’augmenter ce nombre éventuellement). Bref, chaque entreprise entrevoyait encore beaucoup d’amélioration possible, car ils ont tous rapporté avoir des opérations répétitives et manquer de main-d’œuvre.
Est-ce qu’il y a vraiment une pénurie de main-d’œuvre à Richmond (et ailleurs)?
Les besoins en main-d’œuvre sont importants. Une entreprise a rapporté avoir besoin de 60 ouvriers dans les prochains mois. Le taux de roulement est important et le bassin pour recruter est limité. Ils se tournent donc à l’international pour importer de la main-d’œuvre, notamment de la Tunisie. Même s’ils automatisent le plus possible, ceci n’est pas suffisant. Une autre entreprise confie que le but premier de robotiser était de combler 40 postes. Même en plein déploiement de solutions robotisées, la croissance de l’entreprise fait en sorte qu’il y a toujours 40 postes à combler. C’est exaspérant pour l’entreprise, mais démontre bien que les robots ne volent pas les emplois. Au contraire, la robotisation a permis à l’entreprise d’augmenter son volume de commandes et d’accélérer sa croissance pour accepter de plus gros contrats. Au niveau de la main-d’œuvre spécialisée, encore une fois, c’est le même constat. Non seulement elle est insuffisante, mais les formations en robotiques sont également manquantes.
Des obstacles de taille!
Le manque de connaissance et de formation a été exprimé à maintes reprises. La formation d’une main-d’œuvre spécialisée, la formation continue des employés, la formation des dirigeants sur comment entreprendre un projet de robotisation et simplement connaitre les ressources disponibles représente certainement un des obstacles les plus importants à franchir. Par exemple, une entreprise cherchait depuis un certain temps une solution d’inspection, seulement pour apprendre pendant notre rencontre qu’il y a une entreprise spécialisée dans le domaine à seulement quelques kilomètres de leur usine! Vient ensuite un deuxième obstacle : vendre l’idée de la robotisation à la haute direction et aux employés. En effet, une entreprise rapporte s’être fait refuser un projet pour raison de «sur-complexisation». Si votre premier projet de robotisation semble trop compliqué, il sera difficile de convaincre la haute direction. L’entreprise a appris de son erreur et a adopté une approche Lean Robotics. Ils ont commencé avec un petit projet simple et ils ont progressivement déployé de plus en plus de robots. Cette stratégie s'est avérée payante. Une fois quelques cellules robotisées installées, un troisième obstacle est à prévoir; maintenir les robots en état de marche et transférer la responsabilité (si je peux le dire ainsi) de la cellule aux opérateurs. Un ingénieur a confié qu’avec chaque nouveau robot, sa charge de travail et de suivi augmentait. Pour franchir cet obstacle, la formation continue des opérateurs est importante, mais peut-être qu’une solution technologique pourrait éventuellement être développée (idée de R&D). Finalement, dans le cas des plus petites entreprises, un défi encore difficile à franchir est de justifier l’achat d’un robot pour une production à faible volume et à haut mélange (low volume, high mix). Sur ce point, il est vrai que la technologie actuellement n’est peut-être pas tout à fait au point (mais on s’en approche avec le collaboratif).
L’industrie du textile : une mine d’opportunités!
À la lumière des discussions de cette rencontre et des constats faits au cours des deux dernières années, il y a beaucoup d’opportunités de développement dans l’industrie du textile. La robotisation dans ce domaine est faible et les intégrateurs veulent s’en tenir le plus loin possible par l’ampleur du défi. Si l’industrie du textile a été l’une des premières à adopter l’automatisation, elle est certainement l’une des plus en retard aujourd’hui. Encore aujourd’hui, il s’agit de couturières qui travaillent à la chaine, menées par un seul logiciel difficile (voire impossible) à interfacer. Le tissu c’est le cauchemar des robots; mou, difficile à manipuler et imprévisible. Rajoutez à cela la dimension « sur mesure » de chaque morceau de vêtement et vous avez un défi encore plus ambitieux que d’amarsir une sonde sur Mars. Il y a toutefois de l’espoir à l’horizon! Avec l’intelligence artificielle, les sens artificiels (touché, vision, etc.) et la démocratisation de la robotique, peut-être que dans quelques années cela changera. Quoiqu’il en soit, ceci représente sûrement beaucoup d’opportunités de projets de recherche. Par ailleurs, la petite taille de ces entreprises ne leur permet pas d’entreprendre seules de grands projets de recherche (bas TRL,haut risque, coûts). Peut-être que des alliances avec d’autres entreprises qui ont les mêmes défis pourraient aider à solutionner ce problème; surtout que les aides financières sont particulièrement généreuses quand plusieurs entreprises s’associent ensemble avec une université pour un projet de recherche.
À quoi ressemblerait le robot collaboratif parfait?
Le robot collaboratif parfait serait contrôlé à partir d’un cellulaire ou d’un interface utilisateur simple pour tous. C’est notamment ce qui fait la force de certains robots collaboratifs. À la blague, un ingénieur suggérait même un réseau social à la Facebook pour vérifier le statut de tous les robots rapidement; ce genre de technologie existe d’ailleurs déjà (par exemple celle développée par l’entreprise Biscuits Leclerc, le système Poka https://www.poka.io/fr). Des éléments de maintenance prédictive ont également été soulevés pour éviter que le robot ne fasse éventuellement une erreur. Le robot parfait serait facile à programmer pour tous, flexible en termes d’utilisation (low-volume, high mix) et cognitivement assez avancé pour « comprendre » la tâche qu’il effectue. Sans avoir été explicitement demandées, les entreprises aimeraient aussi que le robot collaboratif soit plus rapide afin de minimiser les temps de cycle des procédés. C’est d’ailleurs le temps de cycle qui fait souvent pencher la balance entre un robot industriel standard et un robot collaboratif.
Recommandations
À lumière de cette rencontre, voici nos recommandations pour supporter davantage les efforts de robotisation dans la communauté industrielle de Richmond.
- Miser sur un « voisinage industriel » solide pour valoriser l’entraide, la collaboration et l’échange d’expertise.
- Organiser des séances de réseautage ou de type MasterMind pour parler spécifiquement d’automatisation et de robotisation avec les entreprises de Richmond.
- Répertorier les ressources disponibles en Estrie pour l’automatisation, la robotisation, la formation et le financement.
- Investir davantage en R&D en passant par les universités et/ou leurs partenaires de recherche comme les CCTT pour profiter des programmes de subventions.
- Promouvoir davantage l’industrie du textile auprès des femmes en génie.
- Mettre en place des programmes de formation continue en robotique pour les employés de tous les niveaux hiérarchiques.
- Suivre ou proposer un projet dans le cadre du cours d’adoption de la robotique collaborative (RBT900) à l’UdeS.
- Promouvoir le microprogramme de 2ième cycle en gestion et intelligence manufacturière de l’École de Gestion
- Développer des projets immobiliers avantgardistes pour attirer les jeunes familles à Richmond.
Conclusion
L’automatisation et la robotisation sont des sujets complexes qui peuvent en laisser plusieurs paralysés par l’ampleur des défis. Toutefois, il faut simplement maîtriser une compétence pour y arriver; la collaboration! La robotisation est un travail d’équipe payant et très valorisant. Cela se ressent par la passion dégagée par ceux qui ont emprunté ce chemin. Entourez-vous des bonnes personnes, soyez curieux et amusez-vous dans le processus!
Pour plus de détails sur les recommandations proposées, vous pouvez m'écrire à l'adresse suivante: [email protected]